Face à des pratiques en augmentation constante possédant elles-mêmes un impact tout aussi important sur l’environnement, des voix s’élèvent depuis quelques années pour appeler à un peu plus de sobriété en la matière. Plus qu’un concept, la sobriété numérique est une démarche. Un concept nécessiterait un temps de réflexion, de préparation, de mise en place; une démarche offre la possibilité d’agir immédiatement, par des actes simples, sans attendre de voir si le concept fonctionne.

En adoptant cette démarche de sobriété numérique, il ne s’agit pas de coller une mention « à consommer avec modération » sur nos ordis, nos smartphones, nos tablettes et autres appareils connectés, mais plutôt d’agir en tant qu’usagers responsables en attendant que les entreprises informatiques, les fournisseurs de contenus et leurs clients s’y mettent également.

Une démarche responsable qui commence par l’individu.
Comme le précise GreenIT France, lanceur de l’expression en 2008, la sobriété numérique est « une démarche qui consiste à modérer ses propres usages numériques quotidiens et à concevoir des services numériques plus sobres ». Cette nécessité touche à tous les domaines de nos sociétés modernes mais l’impact du numérique sur l’environnement prend de plus en plus d’ampleur, de manière cachée puisqu’immatérielle. 

Sans parler de retour en arrière, la sobriété numérique serait plutôt une manière de trouver l’équilibre entre progrès technologique et préservation de l’environnement. Même si les besoins énergétiques des terminaux, data centers et autres réseaux de transmissions de données ont leur part dans cette surconsommation numérique, il faut être conscient que ces besoins sont intrinsèquement liés aux usages énergivores que nous en faisons dans notre quotidien. En gros, l’impact digital sur l’environnement provient surtout de la consommation numérique et non de sa production.

En France, nous possédons entre 11 et 15 appareils numériques par habitant que nous utilisons quotidiennement (la moyenne mondiale est de 8). Nous avons à la fois, ordinateurs, tablettes, smartphones, écrans, objets connectés, box, décodeurs TV, consoles de jeu, etc. Nous avons multiplié les achats en ligne, demandé du matériel plus puissant, des contenus haute-définition, des giga-espaces de stockage. Notre trajet quotidien email-facebook-instagram-twitter-youtube-tiktok-snapchat-etc pourrait ressembler à celui d’un hamster dans sa roue, sans fin… et il y a forcément des répercussions sur l’énergie déployée pour permettre tous ces échanges d’informations et de données. Le monde virtuel est devenu un monde à part entière où les interactions sont aujourd’hui peut-être plus importantes que dans «la vraie vie».

Le cas du streaming vidéo
L’exemple de la vidéo est le plus frappant. Elle génère aujourd’hui 60% de flux de données mondiales. De Netflix en passant par Youporn et les petites clips qu’on envoie quotidiennement sur les réseaux, l’empreinte carbone des vidéos en ligne s’accroit à une vitesse exponentielle et le streaming fait partie des pratiques numériques les plus polluantes aujourd’hui. 

Fournisseurs de contenus, entreprises commerciales et développeurs ont aussi leur part.
Il y a ces dizaines de mail d’offres en tous genres qu’on reçoit dans nos boites mails, parfois quotidiennement et qu’on n’ouvre même plus. Il y a ces vidéos de pub ou de promo qui se déclenchent de manière intempestive sur de nombreux sites d’informations, les dizaines d’applis inutiles qui encombrent nos smartphones et ordinateurs, parfois installées d’office; ces mêmes applis qu’on appelle aujourd’hui des « obésiciels » tellement elles réclament de puissance. Il y a la lecture automatique qui se lance à la fin d’une vidéo Youtube, Netflix ou Facebook et nous plongent dans le tunnel sans fin du visionnage d’images superflues. Tous ces éléments et bien d’autres encore participent à l’impact environnemental de nos usages numériques, impact sur lequel il est plus que temps de se pencher. Les développeurs et leurs clients ont la nécessité aujourd’hui de se tourner vers des modèles d’éco-conception que ce soit pour la fabrication de sites internet, le développement de systèmes d’exploitation, de logiciels, d’applis smartphone ou de plateformes d’utilisateurs. Les fournisseurs de contenus ont également leur part d’équilibre à trouver, entre l’obligation de communiquer pour vendre, dans une économie de plus en plus virtuelle où la compétition est de plus en plus rude, et l’obligation de modérer ce marketing invasif et mauvais pour la planète.

Utilisateurs mais aussi citoyens
Les bonnes pratiques sont nombreuses et en les adoptant peu à peu, à titre individuel, elles finiront par entrer dans une norme plus respectueuse de l’environnement. En voici quelques unes.
. Réparer avant de jeter, pour trois raisons. 1. les ressources naturelles pour fabriquer ces appareils ne sont pas éternelles. 2. Elles sont souvent extraites dans des conditions proches de l’esclavage, par des êtres humains, parfois des enfants, qui travaillent à créer nos loisirs virtuels. 3. De la même manière que vous n’achetez pas une nouvelle voiture quand vous devez changer les freins, vous pouvez amener votre appareil chez un réparateur près de chez vous et participer ainsi à développer l’économie locale et circulaire.
. Et si vraiment vous devez jeter, ne jetez pas n’importe où car presque tout se recycle.
. Et si vraiment vous devez acheter, préférez les produits reconditionnés avec garantie, type Backmarket.
. Ne plus dormir la nuit devant l’Apple Center pour acheter la dernière montre connectée ou l’iphone-jesaisplusquelnumero alors qu’on possède déjà la version précédente.
. Ne plus se ruer sur les promos-contrats-de-24-mois-avec-téléphone-offert et marquer ainsi son refus de participer plus longtemps à cette surconsommation néfaste pour la planète.
. Éteindre sa box ou couper son réseau wifi ou 4g si l’on ne s’en sert pas
. Faire le ménage dans ses applications smartphone inutiles.
. Ne pas stocker tout et n’importe quoi sur son cloud, faire régulièrement le ménage de son contenu inutile, idem avec les mails, se désabonner des newsletters qu’on ne lit plus, des mails de promotions qu’on reçoit par dizaines, parfois sans l’avoir demandé et qui encombrent le réseau et le traffic.
. Réduire la taille des images envoyées sur les réseaux sociaux. Les objets étant dématérialisés, on ne se rend plus compte de «l’espace» qu’ils occupent et de l’énergie nécessaire pour pouvoir les stocker indéfiniment.
. Réduire la qualité de visionnage des streaming video. On n’est pas obligé de tout regarder en 4k.  

À ce sujet, le Think Tank « The Shift Project » a édité une vidéo (ce qui pourrait sembler contradictoire…) qui résume très bien les choix individuels que nous devons tous faire en tant qu’usagers d’un monde digital plus raisonné.

La liste est longue de tout ce qu’il est possible de faire individuellement pour entrer dans cette démarche de sobriété numérique qu’elle soit matérielle ou dans nos pratiques quotidiennes. À chacun de trouver la manière d’y participer en prenant du recul sur ses propres pratiques.
Avec la crise sanitaire, l’accélération des usages numériques et l’accroissement du télétravail au sein des entreprises, il est temps de passer aux actes et de se responsabiliser individuellement avant de le faire collectivement. La sobriété numérique est une nouvelle voie pour minimiser cet impact sur notre environnement que plus personne ne nie aujourd’hui, à part peut-être quelques trumpistes.

KrissMars

Sources
https://youmatter.world/fr/usage-numerique-impact-sobriete/
https://www.greenit.fr/2020/06/23/quels-sont-les-impacts-environnementaux-du-numerique-en-france/
https://theshiftproject.org/article/climat-insoutenable-usage-video/
https://www.backmarket.fr/

Pour en savoir plus, «The Shift Project » organise une conférence en ligne « SOBRIÉTÉ NUMÉRIQUE : UN ENJEU ÉNERGÉTIQUE ET SANITAIRE ? », le 7 septembre 2020 de 12h30 à 13h15. https://theshiftproject.org/article/sobriete-numerique-energetique-sanitaire-produrable/

Image par Comfreak de Pixabay